Avers

                                                                       Avers

Ne soyez pas surpris. Si vous n'en connaissez pas la définition vous la retrouverez facilement. Un mot pareil, il est surtout utile aux cruciverbistes, forcément. Tout simplement il signifie la face d'une médaille ou d'une monnaie, avis aux numismates et autres collectionneurs. Bon! Je vais encore me faire accuser de tomber dans la facilité mais je ne résiste pas à faire remarquer que l'avers et le revers, si bien appareillés, semblent de sens contraire, voire opposé, au jeu de pile ou face qui signifie exactement la même chose pour le même objet. Une curiosité du langage tout à fait banale aussi banale que l'envie de tordre les mots, de jouer avec, même de les trahir en les utilisant à tort et à travers, à l'envers, recto-verso et encore devant-derrière s'il le faut. Un bon moyen de lutter contre l'usure du langage qui vaut bien les emprunts trop usurpés à l'anglicisme.

                        On dit aussi le droit, paraît-il, pour désigner le bon côté des monnaies et médailles. Le côté moral intervient ici. Le droit c'est forcément le bon aspect des choses, celui qu'on présente d'abord au public, où on annonce la valeur de la pièce juste au milieu du visage de la célébrité chargée de la faire reconnaître tout en assumant sa gloire. Aux grands hommes la patrie reconnaissante a gravé leur effigie sur une piécette d'usage courant sur tous les marchés. Je finis par me demander si ce n'est pas pour ça qu'ils veulent tous devenir présidents : pour avoir leur pièce. L'orgueil, l'envie, régissent  ainsi la conduite de tous ces Julien Sorel, Jarnac ou Faust au petit pas. On ne peut même pas dire qu'ils ont  vendu leur âme au diable parce que le diable, c'est bien connu, il est à Vauvert.

                          Ah! S'ils savaient comme le peuple s'en balance de leur figure démodée sur l'avers. Le peuple se préoccupe d'abord de la valeur sonnante et trébuchante des monnaies. Autrefois, souvenez vous, on mordait les écus pour s'assurer de la qualité de l'or et les rois, pour éviter de dévaluer, rognaient les métaux afin de se faire plus riches au détriment de leurs sujets. Finalement au fil du temps les escrocs sont les mêmes, ils n'ont changé que de méthode pour gruger. Ils ne montrent plus leur face qu'à la télé et la perdent dès qu'ils ont disparu des écrans. Sic transit....Comble des hypocrites chacun des pays de la zone euro s'est réservé le privilège de graver les avers de son choix. En euros le Grand Duc de Luxemboug côtoie plaisamment le prince Albert en attendant de rencontrer le coprince d'Andorre à Prisunic.

                          En art aussi la face est primordiale surtout dans les portraits. Imaginons que Léonard ait eu l'idée saugrenue de peindre la Joconde de dos, que de commentaires idiots eussent été perdus. Pourtant, cinglant démenti, chez les sculpteurs la nuque et les fesses ont autant d'importance que les seins et les sexes; les regards sont inexpressifs, exprès, pour nous obliger à voir l'essentiel de ce que le corps exprime. La sculpture, comme la danse, exige que l'on aime de tous bords les volumes, les poses et les mélanges de corps. Les sculpteurs ont ce privilège de pouvoir faire sourire les bustes. Mais pour les revers le mieux, le plus expressif, c'est encore la photographie. Le nu célèbre de Simone de Beauvoir clichée se regardant dans son miroir, m'a appris autant sur cette femme que la lecture du Deuxième Sexe.

                          Justement parce qu'lle est immobile la photographie nous contraint à voir au delà du papier glacé des des avers, des apparences.