PATRICK

Galerie D

                                                                       Patrick

            Un garçon bien comme il faut qui plaît aux grand-mères. Sa longévité de présentateur vedette est sans conteste le fruit de sa jolie figure associée à un langage sans la moindre aspérité. Dans un métier où les stars ne sont que passagères, Patrick a duré plusieurs décennies et semblait si inusable que ses patrons ont du s’y reprendre à plusieurs fois et longtemps à l’avance pour réussir à le virer avant que rides, calvitie et autre cernes signes de sénilité, ne fussent si visibles qu’on pouvait craindre une baisse d’audience irréversible.

            Oui ! Vous l’avez reconnu. Il est tellement passe partout que le plus souvent on ne le désigne que par ses initiales. Il n’a pas de nom. Mais ce n’est pas pour ça qu’il s’est laissé sortir, le bougre. Il a longtemps résisté et continué d’afficher son sourire implicite et son œil bleu layette impavide à 20 heures, au grand plaisir de la ménagère, cible en nombre privilégiée des avaleurs de pub et autres adorateurs du «dis moi combien tu gagnes et je te dirai qui tu es.» Avec son air de ne pas y toucher il était un des rois du temps de cerveau disponible. C’est bien naturel qu’on ait eu du mal à le détrôner.

            Il faut dire qu’il est magique Patrick, bien comme il faut et propre sur lui. En trente ans et plus, souvenez vous, vous ne l’avez quasiment jamais vu sans cravate, et ses costumes sont toujours dans les mêmes tons bleu layette, assortis à ses yeux pour que chacun s’y reconnaisse et avale son discours comme du bon pain. Les mauvais, les jaloux, ont dit qu’il ne faisait pas grand chose et qu’il préparait ses textes à minima ; ce sont des propos d’envieux qui lorgnent sa place. D’abord, la plupart de ses textes ont été écrits par d’autres journalistes et comme, au fond,  il n’a pas d’idées perso ni grand-chose à dire  pourquoi se fatiguer ?

Finalement on n’a pas besoin de tant de talent pour marquer son époque. Il suffit d’être là, bien là, au bon moment, de ne pas faire de vagues, d’être un mec commode. C’est comme ça que Patrick a été sélectionné pour toutes les interviews de présidents, avant Tonton, pendant et après. Il lui arrivait parfois, seulement avec ceux qui n’étaient pas de son bord, du côté des profiteurs patentés, de risquer une question hors normes, il recevait alors une inévitable rebuffade qu’il acceptait avec bonne humeur. C’est comme ça qu’on est sélectionné  l’année suivante et celle qui suit et encore et encore…Bravo Patrick.

Même l’entretien bidon avec Castro est passé comme une lettre à la poste. Patrick est parti quelques jours en pénitence et il est revenu par la fenêtre au 20 heures, tel qu’en lui-même et toujours accroché à son siège, formidable. Comme il sentait, la calvitie prononcée peu à peu, qu’il faudrait un jour décrocher, il s’est mis à écrire et publier. Avec son frangin il a continué à épater les grand-mères et rajouté les signatures en librairie aux cocktails et aux conférences rémunérées. Pendant toute sa vie professionnelle il s’est fait prendre la main dans le sac de l’a peu près sans la moindre conséquence. On l’a accusé de pomper le travail des autres : il n’en avait cure. A la fin tout de même le gros pépin est arrivé : plus de cent pages de son dernier bouquin piquées à un biographe américain  d’Hemingway oublié. Les lecteurs on de la mémoire. La star a chuté.

L’époque est à l’imposture et il a bien représenté son époque. Ce genre d’homme glisse et se glisse partout, il passe et ne laisse rien. Comme une figure de mode il sera vite oublié.