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15 février 2011

Jalousie

                                                                 JALOUSIE

                   C’est de volets que je vous parle, de persiennes. Rien à voir avec les sept péchés ni avec les vilains sentiments auxquels succombe Othello poussé par l’infâme Iago. Elles sont si belles nos jalousies, plus ou moins ajourées, parfois dotées de mécanismes ingénieux qui filtrent la lumière au gré des heures du jour ou de nos envies se soleil. De couleur ocre vieilli à Nice et en pays génois, elles se teintent de toutes les nuances du bleu en Provence et jusqu’à la Catalogne. Parfois léger le bleu, presque d’azur et puis parfois profond, soutenu par des adjonctions de vert émeraude qui rappellent toutes les nuances de la mer.

                        On les compte par deux les jalousies. Normal. On les ouvre d’un coup, à deux bras, le matin, au réveil du printemps, quand on a été longtemps frustré d’une vraie lumière. Elles tapent contre le mur et préviennent vos voisins qu’il est temps de s’y mettre, que vous êtes prêt. A quoi ? A n’importe quoi qui vous occupe ou qui vous anime. Les persiennes ça fait chanter. La preuve en Italie, c’est à travers elles qu’on entend les matrones ou les radios claironner des airs d’opéra. Alors, si vous n’avez rien à faire : chantez ! Au fil de la journée il sera bien temps de baisser le son, de rabattre les volets et de filtrer les soleils abusifs qui tentent d’incendier votre demeure. Voilà pourquoi elles sont du midi les jalousies, elles ont l’accent du soleil.

                        Parfois dans la journée  elles se ferment discrètement, à n’importe quelle heure, sans qu’on s’en aperçoive. De l’extérieur elles cachent tout mais en dedans leurs fentes sont suffisantes pour que les couples se reconnaissent et s’approchent dans la pénombre. Sans doute se touchent-ils, mais vous n’en saurez pas davantage. Propices et protectrices sont les jalousies, muettes aussi sur les amours qui ont autant besoin de silence que les grandes douleurs. Respectons-les : même si froissements ou chuchotements imprévus atteignent l’oreille d’un voisin, même si les amants dans leur hâte ont omis de clore une fenêtre et alertent le passant de leurs murmures, qu’il poursuive son chemin en faisant semblant de rien. Après tout les jalousies fermées abritent aussi les pleurs qui succèdent un jour aux plaisirs.

                        Un mot pareil n’est pas moderne, usé aux yeux de certains mais je m’oppose à ce point de vue. Pensez donc les Anglais n’ont même pas de mot pour le traduire et utilisent blind, aveugle, ce qui est une réduction ridicule de l’usage et de la forme de cet ornement traditionnel de nos demeures. Bien entendu les maisons actuelles et les immeubles font appel de préférence à des stores modernes, parfois automatiques pour les paresseux, leurs proprios s’esbaudissent devant de grandes baies aussi ridicules que couteuses en pertes énergétiques. La plupart ont des teintes identiques, sans personnalité, les lames sont vulgaires, les proportions sans recherche. Je refuse ces facilités sans âme. Je préfère  mes jalousies, les plaisirs des alcôves  et leurs secrets.    

                        

            Eh quoi ? Au printemps. Qui aurait envie de rêver au rossignol de la Callas, à l’opulence d’Onassis et de fredonner Norma en tirant sur la manivelle de son store ?

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