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13 juin 2012

Célé

                                                              Célé

                C’est souvent en mai que se produisent en France les mouvements sociaux, quand ce n’est pas le moment des élections, ou les deux. Actualité oblige, j’hésite. Quand j’aimerais parler de ce long mail heureux qui borde la rivière de la ville de mon enfance, je suis accaparé par la politique, les  propos prétentieux dont on sait qu’ils n’auront pas d’effet, les mensonges débités  à la file, la satisfaction  inaltérable des perdants comme des autres.           

               J’hésite encore à décrire cette interminable allée, marronniers ou  platanes j’ai oublié, qui protège la route des caprices du ciel jusqu’au pont du Pain, là où les dernières maisons se perdent dans la campagne. Je m’y rendais tous les jours pendant  l’été 19..  et tous les jours j’y croisais Sylvie. - A la télé, tandis que je vous parle, un des types qui ont doublé la dette du pays en dix ans accuse sans sourciller son successeur de l’intention de ruiner le pays.- J’arrivais à vélo sur le coup de cinq heures, jupe écossaise, chaussettes bleues, cheveux au vent elle passait devant moi avec un signe amical avant de poursuivre son chemin pour se rendre à sa leçon de piano.

                A la télé un autre type se rengorge sans rire en affirmant que sans lui le million de chômeurs dont il est responsable aurait pu être pire avec ses concurrents. Un dernier est ravi de constater qu’il reste quelques usines quand elles auraient pu disparaître toutes. 

               J’avais pour la première fois rencontré Sylvie à Cahors, siège unique des examens à cette époque, elle présentait le Brevet moi le Certificat. Nous étions hébergés par la même famille. Quand elle m’avait souri j’étais passé d’un coup du monde de l’enfance à l’adolescence. Pensez donc les copines de mon âge étaient plates et Sylvie arborait de vrais seins. Je crois que je n’ai jamais si bien travaillé depuis, son sourire avait illuminé mon Certificat. 

               Encore un qui jubile à la télé : rose ou bleue la vague n’est pas une marée mais ce qui compte, sans blague, c’est que la mer monte. Je me demande si celui là va enfin montrer un peu d’attention aux gens qui l’ont élu ou s’il va, dans les meilleurs délais, s’autoproclamer sachant seul, décidant seul et les représentant tous. Qu’ils se taisent  que diable puisqu’ils ont voté. 

               J’étais amoureux. La beauté de Sylvie n’avait pas d’importance  mais je me serais damné pour un nouveau sourire d’elle, sa lumière me brûlait le cœur chaque jour.

J’avais onze ans, elle seize. Je ne suis pas certain qu’après sa leçon de piano elle ne retrouvait pas un garçon de son âge. A la fin du Certificat elle m’avait offert un  baiser, léger, amical et tendre, mon premier baiser d’amour. 

               Depuis je la regardais passer sous le mail et, lorsqu’elle était partie, je m’arrêtais et me penchais sur le quai pour voir couler lentement le Célé et rêver, pour toujours, au dernier baiser de mon enfance.

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Commentaires
A
Chacun a son Célé, bordé de marronniers, de platanes ou de palmiers. <br /> <br /> Chacun a sa Sylvie ou sa Geneviève en soquettes et jupe écossaise. <br /> <br /> Mieux la rejoindre en rêve le soir du certif que d’écouter baver les vaincus piteux.
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  • Blog des mots. A partir d'une définition de mots simple, ce blog raconte l'actualité, effleure les sentiments, égratigne les gens et les hommes publics tout en s'efforçant de distraire. Gardons le sourire, les temps sont durs.
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