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26 juin 2012

Harmonie

                                                           Harmonie

 

            Un mot qui fait immanquablement penser à Baudelaire, -Là tout n’est qu’ordre beauté..., continuez si ça vous chante. On y aspire, justement sans que le H y soit  grossièrement aspiré. Hélas ! L’harmonie ne règne pas vraiment dans tous les registres où l’usage fait appel à elle. Municipale, son apparition aux fêtes patronales et au 14 juillet est l’occasion de couacs aussi désopilants que le défilé de la fanfare qui amuse les enfants. Conjugale, c’est au contraire de disharmonie qu’il conviendrait de parler quand de multiples causes de disputes légitimes s’ajoutent aux raisons encore plus nombreuses de débattre pour rien. On se dispute ainsi, pour passer ses nerfs, le temps, pour la gloire ou pour affirmer sa suprématie. Pire, il arrive que des amants se déchirent depuis des lustres en ayant oublié le moindre prétexte à leur discorde. Dans ce cas précis la scène de ménage est un état permanent, une seconde nature en quelque sorte sans laquelle la vie n’aurait plus ni sens ni sel.

            La beauté devrait pourtant en être inséparable. Songez donc à la musique du mot lorsque vous le prononcez. Deux parties simples, l’une forte mais pas trop : har ;  l’autre douce à votre langue comme à l’oreille : monie. Une sorte d’équilibre à atteindre comme le but ultime de la quête personnelle de ce que vous avez entrepris. Harmonie, le Graal des temps modernes dont les chaos de la vie urbaine, bruits, fumées, transports saturés, architectures gigantesques, rapports inhumains cherchent à vous priver. Voilà pourquoi vous lorgnez depuis des années sur ce modeste pavillon en pierre de meulière retiré de l’autre côté du périphérique ou que vous êtes  prêt à vous saigner à blanc pour installer votre petite famille dans ce village, un peu loin de tout mais si charmant, où l’agent ès lotissement  a pris la place du dernier paysan.

            A la beauté je veux enfin rajouter la paix sans laquelle nous ne serions jamais comblés. Ah ! Si l’harmonie avait régné entre les peuples combien de guerres auraient été évitées. Gare toutefois aux semeurs d’illusions. Il y en a qui osent prétendre que les échanges les plus futiles, les transhumances permanentes, l’accessibilité en tous temps et tous lieux des trésors de chaque peuple aux autres, de visu ou par le truchement d’ordinateurs toujours plus sophistiqués, conduisent à l’harmonie, c’est le contraire. A force de faire courir des masses de plus en plus innombrables autour d’une si petite planète on épuise les coureurs en même temps que les ressources qui les font courir.

 Signe des temps, quelques artistes dont le travail devrait avant tout apaiser nos sens, prennent un malin plaisir à produire des œuvres choquantes, provocatrices, à rebrousse poil. Il s’agirait de nous faire réfléchir, tantôt en se roulant tout nu sur un drap enduit de peinture, tantôt en collant des pièces de moteur usagé ou de tout autre objet absolument banal sur un chevalet d’exposition, parfois même de provoquer la fuite des auditeurs égarés d’un concert grâce à des sons discordants voire stridents. Je l’affirme, la terre disloquée, désaccordée par les abus de l’homme n’est pas une bonne raison pour infliger des supplices auditifs ou les horreurs d'un chewing-gum scotché sur une page blanche à ceux d’entre nous qui cherchent une tranquille retraite dans les musées.

Il y a quelques années un article célèbre d’un journal du soir tout aussi célèbre décrivait un doux village de France aux maisons de pierre, endormi dans un tendre vallon, surmonté par la flèche élancée d’un clocher dominant au loin une plaine aux jachères colorées et fertiles, adossé aux opulentes rondeurs d’une colline éternelle. Il déplorait ensuite que trop de nos paysages soient un jour défigurés par le passage inéluctable d’une ligne à haute tension. Voilà bien un article qu’on ne pourrait plus écrire. Sous la ligne électrique on a bâti depuis une zone industrielle ; une route à quatre voies serpente dans le versant où la végétation a disparu et une batterie d’éoliennes se profile non loin sur le ciel.

Vous avez dit harmonie : qu’est-ce à dire ?

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Commentaires
A
L'harmonie de Lissac<br /> <br /> C’est un peu celle d’une belle mare tranquille, une mare qui rencontrerait quelques pavés.<br /> <br /> Telle évocation émeut en écho à un souvenir enfoui, on remâche, on rumine, telle opinion recoupe une conviction profonde, on adhère, on acquiesce ; et puis, au paragraphe suivant survient ce qui nous semble un paradoxe, voire un contresens, on s’agace, on s’irrite.<br /> <br /> Lissac dérange, il provoque, conteste.<br /> <br /> C’est d’ailleurs très bien ainsi, il stimule : on préfèrera toujours Caravage à Botticelli, Armstrong à Sinatra, Arman à Bourdelle et, ne lui déplaise, un musée qui nous respecte se doit d’être le contraire d’une retraite paisible.<br /> <br /> Pour l’harmonie, donc, on repassera mais l’écriture reste toujours élégante et ça, on savoure.
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