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27 juillet 2012

Tilleul

                                                           Tilleul

             Un nom pareil inspire. Il infuse l’imagination dans les têtes et la sérénité dans les veines. Tilleul, on ne sait plus si on désigne l’arbre ou une décoction mais ce mot nous parle. Allez savoir pourquoi il évoque la France apaisée que désirait Ségolène et l’équanimité communicative de François. Il ne reste à ce dernier, puisqu’il a accédé aux plus hautes fonctions, qu’à imiter un illustre prédécesseur en rendant obligatoire la pause tilleul dans les usines et les bureaux surmenés, comme Mendès obligea maîtres et professeurs à distribuer du lait sucré dans les écoles à l’heure de la récré.

            Vous souriez ? Il n’y a pas de quoi, c’est du sérieux. Pensez à l’élève de cinquième du lycée d’Aurillac, la ville la plus froide de France, les mains et les genoux couronnés d’engelures sous sa culotte courte,  en 1955 on vit encore à la dure et sous la blouse le ventre n’est pas bien rempli, pensez à son bonheur et à la cohue devant les bidons de lait tiède déposés au fond du préau. Quelque part, ailleurs, un inconnu s’est préoccupé du sort de la jeunesse, de sa jeunesse, et bien qu’il l’ignore toute sa vie il lui en sera infiniment reconnaissant. Hélas, les distributions dans les écoles furent aussi éphémères que le ministère de leur auteur à qui, il m’en souvient, on s’empressa de couper les ailes pour faire la guerre.

            Le tilleul est un arbre commun, répandu dans les campagnes et quelques bourgs importants. On le trouvait souvent à l’entrée des propriétés dont il ombrageait l’accès. A la fin du printemps, quand sa fleur était à point, avant qu’il ne bourdonne d’abeilles, on étendait un drap tout blanc à son pied et les enfants de la ferme montaient cueillir la corolle étonnante, mi feuille mi fleur, qui diffusait en séchant l’odeur de l’amour, l’amour de la famille rassemblée  sous ses branches tutélaires, l’amour de maman, du prochain, et surtout l’amour de Marinette dont la jupe a balancé tout le jour au rythme des hanches sur ses cuisses dures. Le soir venu on allumait de grands feux où l’on causait jusqu’à minuit avant d’échanger des baisers à la lueur des étincelles.

            Alors s’il faut voter entre verveine, camomille, réglisse, mélisse, romarin, sauge, menthes et autres thyms je choisis le tilleul. Pour la douceur de sa saveur et de son nom, pour l’équilibre de ses branches et la qualité de son ombrage sous lequel on se réunit chaque année depuis si longtemps, pour le paysage de ma mémoire dont l’image enfantine fut une sorte d’apaisant compagnon des jours de spleen ou même de tempête, pour la trempe de son bois dont on fit nos bahuts et nos dessertes avant de les remplacer par des plastiques hideux et des polymères idiots.

 Quand nos villes auront massacré tous les arbres s’il te plaît, Saint Ex., dessine moi un mouton et plante nous un tilleul.  

 

              

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Commentaires
A
Mots d’ici, mots de là ... <br /> <br /> Et les mots de l’Au-delà ?<br /> <br /> Je crois bien que ce Lissac est un mécréant !
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  • Blog des mots. A partir d'une définition de mots simple, ce blog raconte l'actualité, effleure les sentiments, égratigne les gens et les hommes publics tout en s'efforçant de distraire. Gardons le sourire, les temps sont durs.
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