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18 mai 2019

Zombie

                                                                    Zombie

                   A Cannes, sur la Croisette c'est la mode, on n'entend plus que ce mot, comme un revenant. Moins de cinq jours après le début du festival, les invités ont assisté à leur deuxième projection sur les fantômes. Bon courage! Enfin, si on aime pourquoi pas, il paraît que les meilleurs spécialistes d'Hollywood baignent dans les scénarios d'au-delà. J'espère qu'ils ont prévu de retomber un jour dans le réel. Parlons-en : sorti du folklore haïtien le mot zombie est passé à l'anglais pour nous revenir après un court stage par notre langue. Drôle de voyage express !     

                 Pourquoi le zombie séduit-il tant de monde? J'imagine qu'il est connoté par l'histoire de l'esclavage en Haïti. Certains maîtres auraient poussé l'instinct de propriété jusqu'à dénier à leurs victimes le droit à l'existence d'une âme. Brrr...! Ces derniers se seraient vengés en inventant une sorte de folklore magique dans lequel ils retrouvaient pouvoir occulte et personnalité, le vaudou. De quoi occuper les nuits avec quelques plumes, du sang de poulet, de l'alcool de canne et des tambourins. En fin de compte on peut se demander si les soirées les plus agitées sur le sable de la Croisette ne sont pas comparables aux rythmes saccadés et aux déhanchements festifs des populations opprimées d'Hispagnolia autrefois. 

                  A noter toutefois une grande différence, l'opulence des festivaliers tranche totalement avec le dénuement d'Haïti qui reste un des pays les plus pauvres du monde. D'un côté la crème des studios des pays riches foule le tapis rouge des marches du palais, de l'autre on en est parfois réduit à avaler de l'argile pour calmer sa faim. Ici, acteurs et spectateurs éduqués ont eu accès aux meilleures universités, là bas, aux Antilles, la jeunesse haïtienne est à la merci des minces programmes de développement de l'ONU. Quand, sous les projecteurs, artistes et journalistes étalent leur culture, dans le même temps de maigres ressources sont mobilisées pour relever les murs abattus par les catastrophes de la nature, auxquelles s'ajoutent parfois celles des tontons macoutes ou de leurs héritiers.

                  Les uns ne sont pas responsables des autres, c'est vrai. Rien ne les unit que ce petit mot étrange, zombie. Comme il serait heureux toutefois qu'une sorte de solidarité humaine rapproche les bienheureux de Cannes des plus déshérités. Pour être juste il faut indiquer que bien des festivaliers montrent un haut niveau de conscience dans la préoccupation de leurs frères humains, certains ont  sans aucun doute payé la solidarité de leurs moyens, parfois de l'engagement personnel. On les connaît. On les salue. 

                Cet engouement pour les étrangetés imaginaires de l'au-delà n'est pas là par hasard. Un bon moyen d'échapper aux duretés de l'existence auquel répondent réalisateurs et producteurs plus ou moins inspirés. Bien entendu ils sont libres de traiter les esprits comme bon leur chante, c'est bien le moins pour des artistes Mais attention à ne pas dissimuler derrière l'ésotérisme mystérieux la culture de l'indifférence au monde tel qu'il est, pire, se satisfaire de l'égoisme narcissique des paillettes du festival.                             

                    A ce compte là les zombies seraient plus nombreux dans la salle que sur l'écran. En vrai.        

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