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25 avril 2013

Vrille

                                              

                                                           Vrille

           

            De ce mot Colette fit le titre d’un recueil. C’est que, tandis que la vigne pousse ses vrilles sous la treille, il s’en passe de drôles de choses dans la maison lorsque les enfants sont rentrés en bande de l’école, du pollen plein les habits et quelque fleur hélicoïdale tombée du charme qui orne la croisée des chemins, collée dans les cheveux. De la vrille comme de l’enfance Colette avait bien compris l’ambiguïté de se tourner et de se tordre dans tous le sens, les disputes et les embrassades, les jalousies et les réconciliations, les fuites, les embuscades, les chausse-trappes, les rires et les chansons, les baisers vite fait sur les joues chaudes et le souvenir ami de cette haleine à l’odeur de réglisse mêlée de mine de crayon et de ces mains tachées d’encre, si douces serrées pour affirmer des serments sans importance. On se tourne tant de fois sur tant de rêves avant d’atteindre l’adolescence.    

            Elle est bien banale ou stimulante la vrille, tant qu’on en a fait un simple outil pour percer le bois aussi bien qu’une acrobatie vertigineuse pour les aviateurs. Tous ne s’y risquent pas, non, mais qui n’a pas rêvé un jour de ressembler à cette feuille qui tombe doucement de l’arbre en virevoltant, caressée par la brise molle et chaude d’un début de printemps. Fort heureusement la  vrille de la vigne finit toujours par atteindre son but : après avoir tendu son pinceau elle finit par trouver un rameau et s’y enroule si solidement que vous ne pourrez jamais l’en décrocher jusqu’au creux de l’hiver.

            Parfois, il faut bien l’accepter, la vrille annonce un trébuchement, un échec, voire des espoirs déçus. On dit alors qu’on s’est fait descendre de cette manière contournée, empruntée au langage de la guerre.  On aurait pu dire qu’on est tombé en toupie mais non, c’est en vrille qu’on a chu et il n’y a plus qu’à se relever et recommencer, encore et encore jusqu’à la réussite qui ne manquera pas d’arriver. La vrille inspire, comme la volute qui porte la même initiale elle stimule sans aucun doute les circonvolutions du cerveau là où il arbore des dessins compliqués. Il suffirait de garder l’équilibre.

            Pensez ! Un mien pays nommé Cahuzac l’a bien perdu cet équilibre. Dommage pour le tort causé à ces Aquitains que j’aime tant. Il aurait tout aussi bien pu s’appeler Rastignac ou Sigognac car la fin du roman n’est pas écrite. Ce qui est certain, je viens seulement de le découvrir avec beaucoup d’autres, c’est que notre homme, faisant carrière sans vergogne du côté des modestes, est un baron véritable  de l’arrogance, du cynisme, de l’argent secret et de l’art de se bien placer. Dupes ou pas ceux qui l’ont mis au sommet manquent de mots pour dénoncer l’opprobre. Ils sont pourtant responsables de l’avoir choisi et coupables, même si c’est avec une longue cuillère, d’avoir dîné avec le mensonge. Bon appétit Messieurs…. 

            Car les serments sont nombreux et surtout ceux que l’on oublie. Il n’y a pas qu’à la guerre que l’on tombe de haut, en vrille. Les plus tristes sont les serments d'amour auxquels on aspirait et qu’on n’a jamais prononcés. Près de la fontaine où Perdican discourait il y avait sans doute une belle treille sous la tonnelle et Camille laissait s’envoler tous ces mots de désir en songeant au couvent. A la fin, sous les coups répétés des espoirs déçus, les corps se transforment et deviennent secs, noueux. Pareil pour les sentiments, ils résistent et s’endurcissent, se vêtent d’une peau ligneuse qui pousse une nouvelle couche plus épaisse à chaque année qui passe. Comme les vignes, les vrilles de nos pensées se transforment à l’automne en sarments torturés et stériles qu’on brûle au bord du champ.

            Des serments une seule lettre les sépare.

           

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