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26 avril 2017

Retable

                                                                         Retable

                Pour un simple paravent de bois il est bien mystérieux. La faute en incombe aux confréries médiévales qui trouvèrent ainsi le bon moyen, croyaient-elles, d'initier leurs ouailles aux mystères de la religion. Nul ne saurait dire à quel point leurs paroissiens furent édifiés par ces anciens panneaux de bois peints dressés près des autels, parfois si richement décorés qu'on risquerait l'indigestion visuelle à les contempler longtemps, mais il est incontestable que les maîtres de l'art de ces temps anciens nous ont ainsi légué maints chefs d'oeuvres, si précieux qu'on s'empresse aujourd'hui de les confisquer pour les déposer dans des musées.

                Parmi les ors, les draperies et les lourds vêtements d'apparat, l'oeil du visiteur, proche de la lassitude distraite, est soudain attiré par une expression, un regard, un geste, si naturels et spontanés qu'on devine que l'inspiration de l'artiste a été puisée, sinon dans l'au-delà, dans quelque source mystérieuse d'humaine beauté universellement reconnaissable, aussi bien éprouvée par l'esthète averti, que par l'enfançon marchant sur ses pas guidé par son maître d'école. C'est là que se produit le miracle véritable, dans la beauté.

                Dans le Comté niçois où je réside, nous possédons une papardelle d'oeuvres, des retables, peints à l'époque baroque par une famille d'artistes locaux, les Bréa, dont le plus illustre représentant se prénomme Louis. Louis Bréa nous a notamment disséminé plus de quatre vingt piétas dans les églises et chapelles de la Provence jusqu'à Gênes, si belles qu'on manquerait de tomber amoureux rien qu'en les voyant. Il faut dire que leur créateur semble avoir trouvé un malin plaisir à donner à certains de ses modèles une attitude ou un geste ambigus qui tranchent sur le motif édifiant de la scène qu'ils représentent. Le diable est dans les détails, il faut se pencher sur celle que je préfère, la piéta agenouillée du retable de Nice, pour deviner trois larmes qui perlent sur son beau visage. Belle comme  l'éternité!

                On donne à juste titre aux créateurs une licence infinie pour traiter les sujets qu'ils évoquent, si bien qu'il leur arrive de trahir sans hésiter les intentions de ceux qui les ont payés. C'est leur privilège. Près d'un siècle après les Bréa, Cervantès écrivit un impromptu, Le retable des Merveilles, dans lequel un artifice de théâtre ridiculise la crédulité de tout un village persuadé à tort de la pureté de son sang et de ses origines. Cette pièce est toujours représentée. La revoyant il y a peu de jours j'ai pensé à certains candidats à la présidence de mon beau pays qui, tels les bateleurs de Cervantès, tentent de faire accroire au village de leurs électeurs la pureté inaltérable de leurs origines ou la permanence de droits établis par l'histoire. La vie n'est pas ainsi, voyez l'île de Pâques, le repli conduit à l'atrophie avant disparition. 

                Le pire est qu'il y a toujours des gens pour se croire meilleurs que leur voisin et des bateleurs pour alimenter la supercherie. C'est pourquoi en guise de précaution, je propose une mesure de sauvegarde: rendre définitivement obligatoire la représentation de la pièce Le retable des Merveilles, dans toutes les villes de France en période électorale. 

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