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21 février 2018

Ghislaine

                                                                    Ghislaine

                                      Ghislaine s'en est allée. Je viens de l'apprendre tard dans la nuit. Je suis triste mais pas trop, désenchanté plutôt. Ghislaine était âgée, nous sommes frappés tour à tour, bien obligés de l'accepter. D'habitude il n'y a pas de quoi en faire une histoire mais pour Ghislaine, Oui! Elle a tant compté dans ma jeunesse, si vous êtes curieux je vous raconte.

                    C'était rue du capitaine Thuilleaux, La Celle Saint Cloud, le nom mémorable d'un héros oublié de la Grande guerre, une voie champêtre, presque un chemin à cet époque, au bout duquel on accédait par la droite à une vieille maison bourgeoise, construite sur la colline au beau milieu d'un petit parc. Le long du sentier coulait une source jusqu'à trouver une fontaine. Ghislaine vivait ici avec trois enfants et son mari.

                     Quand je l'ai connue c'était une femme d'environ quarante ans. Elle avait fait du petit paradis écarté des banlieues dans lequel elle vivait, un asile de bonheur pour les ados qu'elle croisait , parfois en crise, solitaires en rupture, ou simplement heureux d'être là. Elle accueillait tous ceux qui passaient, leur offrait à dîner et, toujours souriante les aidait à oublier leurs déboires. Je sais qu'elle avait parfois des ennuis comme tout le monde, mais je ne  l'ai jamais vue cesser de nous sourire ou de traiter le mauvais sort avec humour. La maison de Ghislaine était remplie de jeunesse et pleine d'âme.

                     Esthéticienne, maquilleuse de théâtre, elle fréquentait des artistes et communiquait le gôut de la création à ses enfants. Ses aînés, mes amis, transformèrent un jour ma banale motobécane en une oeuvre d'art colorée sur laquelle j'ai fièrement parcouru les banlieues du sud de Paris jusqu'aux plus hauts cols des Corbières. Un autre jour je découvrais que de simples ustensiles de jardin se changeaient en accessoires harmonieux lorsqu'ils étaient façonnés par une main d'artiste. Parfois avec l'accord de Ghislaine, le parc de la Celle Saint Cloud devint un atelier de peinture. Des décors y virent le jour entre un disque de Corelli et des toiles accrochées aux murs par des amis talentueux.

                     On éclaira ce parc, dans cette maison on donna des fêtes. Peu importait alors la qualité des mets ou l'abondance des vins, d'où que nous venions nous étions heureux d'être là, à notre aise, par la grâce du sourire chaleureux que Ghislaine nous réservait, elle donnait sans retour. Très tôt peu épargné par les coups du sort, j'étais alors un ado sombre et solitaire, souvent en colère. Comme j'apprenais doucement à vivre la fréquentation de la maison de la Celle Saint Cloud contribua, et pas qu'un peu, à me réconcilier avec le monde, me permettre de devenir un homme.

                     Si la période que nous traversons favorise peu le regard généreux des adultes vis à vis de la jeunesse, je souhaite quand même à chaque ado en proie au doute de rencontrer sa Ghislaine et un havre dans lequel se construire. Je l'ai revue il y a quelques années, au delà des ans j'ai constaté que sa curiosité d'esprit était aussi intacte que son sourire, sans doute parcequ'elle avait un coeur gros comme ça, il ne l'abandonnait pas.

                      J'ai retrouvé sur internet la rue du capitaine Thuilleaux, le site semble préservé, il m'a semblé que la maison de mes amis, rénovée par de nouveaux propriétaires, n'a pas été détruite. Si un peu de chaleur humaine désintéressée rôde encore par là, c'est la sienne.   

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Commentaires
C
Belle évocation de Ghislaine et de cette jolie maison à l'ambiance chaleureuse. J'en garde des souvenirs de dîners animés ou de fêtes jusqu'à tard dans la nuit où nous les enfants un peu livres à nous mêmes finissions par nous endormir sur un banc, dans un coin,ivres de bonne humeur et de discussions bruyantesur.
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  • Blog des mots. A partir d'une définition de mots simple, ce blog raconte l'actualité, effleure les sentiments, égratigne les gens et les hommes publics tout en s'efforçant de distraire. Gardons le sourire, les temps sont durs.
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